Tarkine, the road to nowhere - l'approche

Reece Dam, 7h00 du matin, il pleut.


Nous voilà coincé dans notre tente sur les berges du Pieman Lake. La météo est conforme aux prévisions. On aura su profiter de la fenêtre météo pour traverser dans de très bonnes conditions la Tarkine Wilderness Area. Cette région est considérée comme étant la plus reculée, la plus isolée, la plus ventée et la plus arrosée de Tasmanie.  C'est la région la plus sauvage et la plus préservée de l'île. Son écosystème, composé de côtes océaniques, de dunes, d'eucalyptus géants, de forêts tempérées et de grandes étendues d'herbes sauvages est considéré comme l'un des plus vastes et des plus intacts de l'hémisphère sud. Cette zone, qui a su naturellement résister au excès du monde moderne, s'étend sur plus de 4470 km2, entre Arthur River et Pieman River.

Pas de commerce , pas de station service sur près de 200 km, pas de réseau GSM, pas même un réseau de secours. Seule une piste traverse cette région. Autrefois réservée aux 4x4 de franchissement, la piste à été recalibrée en gravel road dans les années 90. Sujet à controverse pour les protecteurs de l'environnement, la route a été baptisée la Road to Nowhere. Aujourd'hui elle porte le nom officiel de Western Explorer et le numéro C249. La piste relie Arthur River au Lake Pieman via Corinna. Elle est enrobée entre Arthur River et le carrefour avec la route qui vient de Edith Creek. Ensuite, c'est un mélange de piste large et confortable (qui semble attendre son manteau noir), de piste étroite et dégradée, et de section raide à très raide (20%) revêtue d'un Macadam qui favorise l'adhérence... et évite les poussettes ! Oui, c'est plutôt montagnes russes par ici. Près de 2000 M de dénivelé positif sur 140 km entre Arthur River et Lake Pieman, avec des passages à 400 m sous les monts Bolton et Longback. A Corinna, la continuité de l'itinéraire est assurée par une barge pour traverser la Pieman River. Pour finir la description de cette Wild West Road, on trouve une petite épicerie à Arthur River, une station service à Marrawah et de quoi manger et prendre un café à Corinna. Ensuite il faut attendre Zeehan, pour retrouver un village avec tous les services, soit à environ 180 km de Arthur River. 


Le ton est donné ! C'est notre défi ! Parcourir à vélo la région la plus sauvage de Tasmanie. C'est peu commun, surtout avec des enfants. En tant que parents, on mesure notre responsabilité... mais on ne prend pas grand risque connaissant la capacité physique de nos garçons et leur moral à toute épreuve. Le seul risque identifié est celui d'une météo perturbée et pluvieuse. Hors de question de traverser cette zone soumise à de fortes innondations si la météo n'est pas un minimum clémente.


Dimanche soir, le bulletin est moins pire que d'habitude pour les 7 jours à venir avec un décalage de l'anticyclone australien sur la Tasmanie pour la fin de semaine. La journée de lundi est mise à profit pour préparer notre expédition et prendre un dernier café chez Bunny.

Mardi, les sacoches débordent, le temps est aux showers et au vent fort de SW. C'est une grosse étape de 60 km et 500 de D+ pour rejoindre Marrawah sur la côte Ouest via Edith Creek où on achète un pot de confiture maison à un papi qui expose ses productions sur le bord de route. On a le vent de face. Sur la piste, dans la forêt du 145 ème méridien, Marinette casse une fixation de sacoche, trop chargée en nourriture. On répare, on repart. Pique-nique express au bord d'un champ à Brittons Swamp. Il fait froid sous les rafales de vent, mais les showers nous épargnent. A Redpa on croise la dernière station service avant Zehan. On embarque un litre d'essence supplémentaire dans une bouteille plastique San Pellegrino. Il est tard. La nuit commence à tomber. On arrivera sur la plage de Marrawah à la tombée de la nuit. L'aire de bivouac sur Ann Bay est sauvage et confortable à la fois. La grosse étape est derrière nous et on se réjouit de repartir à l'aventure après une semaine coincés à la ferme de Barbara et Tony.


Au deuxième jour, mercredi, le vent est toujours aussi violent et le ciel nous menace de ses showers. Elle repartent aussi vite qu'elles arrivent, ne nous laissant pas le temps ni de nous abriter - si abri il devait y avoir :-) - ni de nous habiller en conséquence. On sèche aussi vite qu'on mouille. Cela dit, depuis notre départ de Irishtown les garçons sont habitués à rouler en Crocs, évitant ainsi de mouiller leurs pompes. A l'entrée de Arthur River les panneaux routiers sont sans équivoque et préviennent l'automobiliste. Passé Arthur River, plus d'essence avant Zeehan, pas de réseau GSM et les distances sont complétées des temps de parcours. Mais le plus inquiétant pour nous, c'est ce panneau jaune qui mentionne "Corinna Ferry closed for maintenance". En une fraction de seconde, notre itinéraire prévu tombe à l'eau. Je commence à cogiter pour un plan B nous évitant de revenir sur nos roues. C'est un peu l'histoire du Chambon. L'itinéraire de contournement est tout simplement indigeste, surtout pour celui qui s'aventure à bicyclette. On poursuit jusqu'à Arthur River pour glaner des informations sur cette fermeture de Ferry et passer la nuit. Au bureau d'information du Arthur Pieman Conservation Area, la jeune fille nous confirme la fermeture du ferry suite à une rupture de câble de la barge. Devant notre désarroi elle appelle Corinna Lodges pour voir s'il y a possibilité de faire passer des cyclistes. On aura l'information le lendemain matin. Bonne nouvelle! Ils ont un petit bateau pour des excursions sur la Pieman River et acceptent de nous faire passer avec nos vélos. Notre aventure est relancée !

On peut sereinement rendre visite au rebord du monde - The Edge of The World - au sud de Arthur River. La mer est démontée. Les vagues sont marrons tellement elles ressaquent le fond. Elles se déchaînent de manière totalement désordonnée. C'est ici que l'air est le plus pur sur la Planète. D'ici, l'Argentine, la prochaine côte à la même latitude, est à plus 8000 milles nautiques, soit environ les deux tiers du globe.


La nuit sera ventée et pluvieuse. La cuisine semi ouverte du campground qui jouxte le bureau du parc est la bienvenue pour faire la cuisine et dîner. Au coucher du soleil, les garçons partent à la chasse au walliby et au Devil Tas. A défaut de Tas ils verront deux wombats, sorte de bon gros petit nounours inoffensif. 


Jeudi, la météo ne varie pas. Vent fort et showers. On commence à y prendre goût. Ils font partie du décor. Ce jeudi on sera également accompagnés par le va vient des 5 camions 6 roues entre la carrière de Arthur River et Temma. A chaque passage, les chauffeurs font jouer leurs trompes pour le bonheur des garçons. Faut dire que Marius et Gabin ont eu droit à la visite des big trucks lors de leur pause café à la cuisine du campground. On fait un détour par Couta Rocks, petit village de pêcheurs qui vivent dans des shacks. La côte est très découpée. Les bateaux sont solidement arrimés sur des rampes de lancement accrochées à des îlots rocheux. Les pièges à écrevisses en osier sont stockés sur le pont des bateaux. Cela me rappelle la Nouvelle Écosse et le petit port de Pictou où on allait chercher le homard.

Plus au sud, une plage sauvage battue par les vagues. Ici on retrouve des traces des premiers Aborigènes au travers des midden, monticules de coquillages mélangés au sable. Ces vestiges sont désormais protégés des dégradation des 4x4 qui sillonnent la côte Ouest à la recherche de l'aventure extrême.

En Tasmanie, les gens semblent embarrassés par leur histoire et notamment le sort réservé aux Aborigènes au moment de la colonisation. Ils osent prononcer à demi mot le mot de génocide. 

Un aigle marin passe, nous survole et nous invite à planter le camp dans ce petit coin de Couta Rocks.

A l'abri du vent, on passera notre première nuit en Tasmanie sans pluie. La lune est pleine. Le baromètre passe le cap des 1020. C'est de bonne augure pour l'immersion dans Tarkine.

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Commentaires: 6
  • #1

    papyda63 (mardi, 24 mai 2016 12:20)

    Là c'est la vrai Aventure ... et mes 2 petits courageux qui font face à ces conditions météo pourries : BRAVO à vous 4.... Heureusement, il y a Couta Rocks et ce rappel de bons souvenirs à Pictou. Bisouxx

  • #2

    Zuanon Idris (mardi, 24 mai 2016 18:52)

    Alors c'est bon tu as commencé à attaquer la Tasmanie. Nous pour les binômes on sera tout les 2 et avec Tibalt et David. TU ME MANQUES ¡¡¡¡¡¡!!!!!!¡¡¡¡¡¡!!!!!!

  • #3

    Mamytiane (mardi, 24 mai 2016 18:56)

    Nous attendions des nouvelles, elles arrivent en deux exemplaires !Félicitations à vous tous pour faire face aux épreuves météorologiques qui, vues d'ici ne font pas rêver mais qui ne vous freinent pas dans votre aspiration à vivre une grande aventure familiale .
    Bonne continuation de votre séquence découverte de la Tasmanie et de ses coins sauvages et gros gros biZZous à tous qui nous impressionnez intensément et sans relâche....

  • #4

    Zuanon Idris (mercredi, 25 mai 2016 07:18)

    Alors c'est bon tu as commencé à attaquer la Tasmanie. Nous pour les binômes on sera tout les 2 et avec Tibalt et David. TU ME MANQUES ¡¡¡¡¡¡!!!!!!¡¡¡¡¡¡!!!!!!

  • #5

    Anne-Cé (mercredi, 25 mai 2016 22:54)

    Belle aventure que vous vivez là! C'est l'ami Tchouf, avec qui j'ai roulé dimanche, qui m'a parlé de votre voyage. Pas eu le temps de lire tous les billets, mais les photos donnent un bon aperçu!
    Des bises à tous les 4

  • #6

    sextelefon (samedi, 09 septembre 2017 08:46)

    niesmyrgnięty